BILAN

Quel voyage ! D’un bout à l’autre du département, que de kilomètres au compteur… Deux mois et demi d’aventures, de découvertes, de rencontres qui se sont poursuivies au-delà puisque, depuis la fin d’Odyssées, le 30 mars, plusieurs équipes de création ont déjà pris la route pour une tournée.

Un programme éclectique qui a su rencontrer un vaste public
La manifestation a poursuivi ses buts avec succès, à commencer par la présentation de 6 créations originales qui illustre la pluralité des écritures et des esthétiques du théâtre pour l’enfance et la jeunesse (théâtre de texte, théâtre de marionnettes, théâtre dansé, théâtre musical…).
Espace livres
Aborder des sujets graves, s’amuser avec des formes ludiques, s’évader… les approches ont été d’une grande diversité. Et les ressources du sensible et du poétique ont été exploitées d’une belle manière, que ce soit Bouh !, petit bijou d’inventivité dont on sort nous aussi, différents ; My Brazza, ou la rage de danser chevillée au corps ; Entre chou et loup, une échappée musicale pleine de facéties ; Le Rêve d’Anna, un rêve théâtralisé qui ouvre grandes les portes de l’imaginaire ; Joséphine (les enfants punis), une bouffée d’oxygène qui peut aider les plus petits à grandir et les adultes à renouer avec leur part d’enfance ; Moby Dick, épopée maritime au long cours. Le public, au rendez-vous, a d’ailleurs apprécié cette richesse et le niveau d’exigence des propositions.
On a entendu parlé d’Odyssées sur les ondes et on a pu lire des comptes-rendus de journalistes qui donnaient effectivement envie de juger sur pièces. Peu ont été déçus du voyage ! Ces retombées dans les médias, renforcées par une belle présence sur Internet et les réseaux sociaux, ont été très profitables. Si le spectacle vivant est constitué de chair et de sang, il n’en est pas moins connecté. Ça nos jeunes, ils l’apprécient. Moi aussi, d’ailleurs, sacrée blogueuse que je suis !
Equipe presse - Théâtre de Sartrouville

Au cœur de l’échange
Mais blague à part… De toutes ces émotions, il m’en reste beaucoup associées aux spectacles, bien sûr, et pas mal aussi liées à des rencontres lors de débats, d’ateliers, notamment pédagogiques, de résidences. Avec l’heureuse sensation d’avoir été au cœur de l’échange. Quoi de plus fort, en effet, que d’entendre des « Oh ! » et des « Ah ! » sortir spontanément de la bouche des plus petits ? Si ! Peut-être de sentir quand ça palpite, quand ça remue à l’intérieur. Quelle joie de voir ces jeunes qui oublient de rallumer leur portable tant ils ont à dire sur le spectacle qu’ils viennent de partager ! Sans parler de la complicité qui se renforce à l’issue de telles expériences et qui laisse espérer un « mieux vivre ensemble ».
Créative, généreuse, conviviale, Odyssées en Yvelines ne prend son sens qu’à travers le partage. Les multiples actions culturelles y ont largement contribué. Des liens concrets se sont tissés entre artistes et publics, toutes générations confondues. Nos reportages n’ont pu restituer qu’une infime partie de ce travail de fourmi accompli par les équipes de création et les différents lieux, en collaboration avec les nombreux partenaires qui ont, tous, joué le jeu. En effet, cet aménagement culturel du territoire départemental n’est possible que grâce à un solide maillage sur le territoire.
Entre chou et loup-Rencontre bib. Andrésy-DR S. Meneghello

Des Yvelines au territoire national
Et ce réseau s’agrandit car des programmateurs ayant assisté aux rencontres professionnelles ont invité certaines compagnies dans leur lieu. Des Yvelines au territoire national : le pari a été tenu ! Près de 300 dates qui permettent à Odyssées de rayonner.
D’abord, au Théâtre de Sartrouville, avec Joséphine (les enfants punis) présenté en mai 2014 et Bouh ! et Entre chou et loup programmés la saison prochaine.
Joséphine (Les Enfants punis) est aussi programmé à l’Agence départementale Dordogne-Périgord, aux Quinconces à L’Espal – Scène conventionnée du Mans, à l’Agora de Billère et au Festival Méli’môme de Reims.
Bouh ! est à l’affiche du Quai d’Angers et du Théâtre de Cachan.
Le Rêve d’Anna a déjà été repris au Théâtre Am Stram Gram à Genève, au Théâtre Gérard-Philipe CDN de Saint-Denis et au Théâtre Jean-Arp de Clamart ; il sera ensuite programmé, notamment au TJP-CDN d’Alsace à Strasbourg, au CDR de Tours, au Théâtre de Villefranche, au Théâtre du Nord à Lille,  au Théâtre Gérard-Philipe de Frouard, au Théâtre de Bourg-en-Bresse et au Théâtre d’Arles.
Entre chou et loup (Concert détonnant) passera par le Théâtre des 7 Collines de Tulle, L’Hippodrome de Douai, Le Quai d’Angers, Pessac en scènes, le Théâtre de la Ville de Paris, la Maison de la culture de Bourges, La Comète à Châlons-en-Champagne, l’Espace Malraux de Chambéry et le CDN de Sartrouville…
Moby Dick a été joué à La Comédie de Saint-Etienne, au Théâtre de Villefranche-sur-Saône, au Théâtre de Roanne, à la Comédie de Caen-CDN, au Théâtre national de Nice-CDN. Il sera repris en septembre 2014 au Théâtre Am Stram Gram de Genève, puis au CDN de Haute-Normandie, au Quai des Rêves-Centre culturel de Lamballe, au Carré de Sainte-Maxime, aux Scènes du Jura-Scène nationale de Lons-le-Saunier, au Dôme Théâtre à Albertville, à la Scène nationale de Bayonne Sud-Aquitain et au Centre culturel André Malraux d’Hazebrouck.
Enfin, My Brazza poursuit sa route dans les collèges de Normandie, ainsi qu’à Valence, Douai, Martigues, Décines et Châlons-en-Champagne, Châlons-sur-Saône, Foix, Charleville-Mézières et dans les côtes d’Armor.
Voilà un beau programme de réjouissance en perspective ! Au fait, moi, je les suivrai bien sur les routes de France et d’ailleurs…
Mais déjà, la prochaine biennale est en préparation. Et tenez-vous bien : c’est la dixième édition avec 7 créations d’ores et déjà en chantier.
Janvier 2016 : j’ai le temps quand même… Pour un petit tour de France !

Et si on donnait la parole aux enfants ?

LE RÊVE D’ANNA

Odyssées en Yvelines s’est ouvert avec Le Rêve d’Anna. Nous finissons le tour d’horizon des 6 créations présentées dans la biennale en donnant la parole aux enfants sur cette pièce d’Eddy Pallaro, une fable sociale qui regarde le monde depuis le rêve, et qui leur parle. La preuve !

Attendue, la dernière création de la Compagnie trois-six-trente a été saluée par la presse. Parmi les articles, celui de Télérama Sortir : « Bérangère Vantusso met joliment en scène le quotidien qui se nourrit des songes et l’effacement progressif du rêve et de la réalité ».
lerevedanna5

Réactions des CM1 de l’École élémentaire des Grandes-Terres
à Conflans-Sainte-Honorine

Les enfants semblent aussi avoir apprécié. Ce jour-là, comme de nombreuses autres classes, les CM1 de l’École élémentaire des Grandes-Terres à Conflans-Sainte-Honorine ont assisté à une représentation du Rêve d’Anna au Théâtre Simone Signoret. L’attention était palpable dans la salle et les échanges fructueux après, sur l’esplanade du Théâtre. Corentin, Enzo, Ethen, Inès, Jade, Maya, Ryan et leurs camarades ont réagi à chaud :
– J’ai bien aimé comment Anna et son père se parlaient. Ils faisaient bien la pièce de théâtre tous les deux !
– Quand même ! Le père ne s’occupait pas assez de sa fille à cause du chômage. Alors qu’elle, elle l’aide beaucoup…
– Grâce au cheval.
– Non, en disant des mots !
– C’est le cheval qui encourage le père.
– Non, c’est Anna qui a inventé le cheval. Il est dans ses rêves.
– Le cheval, il n’a jamais dit au père qu’il allait trouver du travail. C’est Anna qui a trouvé cette idée pour l’aider.
– Bah ! Anna, elle ment en fait…
– Oui mais elle aide son père. Pourtant, lui, il laisse sa fille de côté au début. Moi, j’ai bien aimé leur relation, comment elle change !
– La scène était marrante quand le père se fait arnaquer par les deux messieurs habillés en rouge.
– Et aussi quand le père est bourré ou quand il est à quatre pattes !
– Moi, ce que j’ai préféré, c’est la bataille d’oreillers.
– C’était trop marrant aussi quand la fille a crié en allant dans le trou et quand le taureau tapait sur la lune.
– Moi, j’ai bien aimé, surtout quand le taureau est apparu. Mais j’ai quand même pas tout compris…
– Moi, ça m’a fait peur ce moment-là. Comment ils ont fait le bruit, en fait ?
– Le rideau qui bougeait, c’était impressionnant ! Mais après quand on voit que le taureau, il a du mal à aller dans les têtes, on a moins peur.
– Le taureau, on l’entend beaucoup, mais on le voit pas…
– C’était bien… mais j’ai un petit bémol : j’aurais préféré voir une comédienne jouer la petite fille, plutôt qu’une marionnette. Surtout qu’on voyait les gens la manipuler.
– En plus, ce n’était pas amusant de voir les comédiens parler à la place des marionnettes.
– Des fois, c’était bizarre…
– En tout cas, ça existe vraiment ces histoires ! Je connais un peu le problème. Ça me rappelle ma mère qui m’a raconté son cauchemar. Dans son rêve, elle était tombée dans un trou noir. Elle m’a même dit qu’elle voulait aller voir un docteur.
Ecole élémentaire

Des graines de critique, ces enfants-là !
Ces gamins d’une dizaine d’années ont bien perçu les principaux enjeux de la pièce. Certes, un vrai travail pédagogique effectué en amont y a largement contribué : « En classe, les enfants ont lu, à haute voix, des extraits de la pièce. Ils apprécient beaucoup d’entendre ensuite ces répliques dans la bouche des comédiens. Ça résonne plus fort ! », explique leur institutrice. « La pièce a aussi été l’occasion d’aborder des thèmes philosophiques tels le bonheur, l’importance du travail dans la vie, les relations familiales. De retour à l’école, ils écriront un petit texte, feront un dessin, en guise de bilan ».
Tout un travail en effet, mais ces enfants-là savent aussi prolonger le plaisir du spectacle vivant en exprimant spontanément les fortes émotions qu’ils ont vécues durant la représentation. Et je peux le confirmer, moi qui étais juste à côté d’eux. Si ça tanguait sur scène – espace du rêve et de la réalité – ça a également bien vibré, cette salle pleine d’enfants ! Comme quoi la jeunesse est réceptive à la puissance subversive du rêve, formidable tremplin pour repenser le monde.