MOBY DICK

UN COMBAT DE LEGENDES, UNE QUETE METAPHYSIQUE

Avec Moby Dick, d’après Herman Melville, l’adaptateur Fabrice Melquiot et le metteur en scène Matthieu Cruciani invitent petit et grands à s’embarquer pour le « grand ailleurs ».
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Qui des enfants ou des parents sont les plus émerveillés par ce spectacle ? Difficile à dire. Ce soir-là, au Théâtre Alexandre-Dumas de Saint-Germain-en-Laye, les plus jeunes ont vécu les émotions en même temps que l’équipage du Pequod lancé à la poursuite de Moby Dick dont le Capitaine Achab a juré de se venger : la soif d’aventures et l’excitation, la peur face à l’animal féroce, les doutes et les joies, l’espoir et la tristesse. Aujourd’hui encore, les baleines continuent de fasciner, même si elles sont dorénavant une espèce protégée. Les profondeurs et les entrailles de la mer conservent aussi leur mystère. Et faut dire que le capitaine est impressionnant de cruauté…

Sur les flots
Les parents, eux, ont été soufflés par l’adaptation, fidèle à l’esprit de Melville, et à la force d’évocation des images dont a parfaitement su tirer parti le metteur en scène Matthieu Cruciani. Sacré défi, en effet que de raconter et faire vivre ce périple maritime, depuis le jeu avec les vagues jusqu’au naufrage ! On entend presque le clapotis, on sent l’air iodé… C’est tout juste si on n’a pas le mal de mer car ça tangue fort à un moment sur le plateau. Et quand arrive enfin le face à face, le public tombe sous le choc : lors de l’ultime combat, la baleine est représentée par une femme ! L’histoire d’Achab n’est-elle pas celle d’une passion amoureuse ? En quête de « la Garce », le Capitaine finit par succomber à ses charmes. Moment de grâce et de poésie.
Fabrice Melquiot a su porter à la scène ce roman foisonnant de 500 pages en une pièce de 94 pages pour un spectacle d’une heure, en tout et pour tout. Il a mené ses personnages au bout du monde sans ôter la dimension morale de la lutte contre les monstres et de la vie en communauté : « C’est un chœur de marins qui cherche tout un monde, le monde entier, dans une baleine blanche », explique le metteur en scène. Cette adaptation n’est donc pas une réduction. En alliant fable et pensée, l’auteur satisfait d’ailleurs aussi bien la sensibilité de l’enfance que la quête existentielle des adultes.
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« Ishmaël : N’importe quel homme porte en lui des bars, une plage de sable et ses semblables. Les rêves ne pèsent rien. »
Ici, pas de dispositif scénographique sophistiqué. Dans un décor de cinéma rétro, avec de l’origami, des grands pans de tissu, Ishmaël et ces autres personnages mythiques prennent vie sous nos yeux. Quand ceux-ci nous décrivent les horizons lointains depuis la vigie, nous prenons le large avec eux. On traverse l’océan et ses plaines liquides, on espère atteindre le ciel immense et ses cachalots géants, on affronte la foule bigarrée et les tempêtes, plus vrais que nature. C’est l’artisanat qui a présidé aux choix et c’est heureux car cela éveille l’imaginaire. Point de réalisme, ni de nouvelles technologies. Voilà de quoi nous faire rêver pendant longtemps…

MOBY DICK : une invitation à prendre le large

Odyssées en Yvelines présente Moby Dick d’après Herman Melville, adaptation Fabrice Melquiot, mise en scène Matthieu Cruciani. Embarquement immédiat !
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> tout public dès 8 ans

Après une avant-première à La Comédie de Saint-Etienne, le spectacle a été présenté le 16 janvier au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines–scène nationale. A la demande de Matthieu Cruciani (metteur en scène associé à La Comédie), Fabrice Melquiot, l’un des auteurs de théâtre contemporain les plus joués et les plus traduits en France et à l’étranger, a accepté de se lancer dans le défi d’adapter ce chef-d’œuvre de la littérature mondiale. Car la première question qui vient aussitôt à l’esprit est : comment adapter à la scène ce roman d’aventures foisonnant ?
Tous deux nourrissent le goût des aventures maritimes au long cours, le goût de la mer pour tout ce qu’elle recèle de sauvage et de mystérieux : « C’est le grand ailleurs du monde des adultes, un horizon mouvementé que l’on désire et que l’on craint lorsqu’on est enfant. C’est le goût de se faire peur, un peu, et de se rêver aventurier, beaucoup. Le goût des possibles et des devenirs », explique Matthieu Cruciani.

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Un combat de légendes, une quête métaphysique
Attiré par le grand large, Ishmaël s’embarque sur le baleinier Pequod. Lancé à l’aventure, il comprend rapidement que ce bateau ne chasse pas n’importe quelle baleine. Achab, son capitaine, est sur la piste de Moby Dick, l’immense cachalot blanc qui lui a arraché une jambe par le passé. Voilà le Pequod et son équipage lancés dans un périple autour du monde à la poursuite de l’animal féroce, dont Achab a juré de se venger.
C’est le récit d’une folle quête, d’un combat fait de légendes, de mystères et de mythologies. C’est aussi le portrait d’une communauté. Le Pequod est un monde en soi, constitué de personnages qui créent une petite humanité. A travers ce voyage, Ishmaël interroge ses convictions et sa place dans l’univers.

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Une remontée de l’enfance
Faire pièce de théâtre de ce roman monstre, passer du conte au dialogue, du silence de la lecture au tumulte incessant d’un équipage en mer, c’est répondre à l’aventure par une autre aventure ! Tandis que Fabrice Melquiot a exploré la langue de Melville, Matthieu Cruciani a transposé l’adaptation sur scène avec les moyens du bord et surtout, beaucoup, d’ingéniosité : « faire entrer l’océan et ses plaines liquides, homériques, son ciel immense et ses cachalots géants, ses temples d’eau, ses tempêtes, la foule bigarrée et pleine de force d’un équipage sur un plateau de théâtre, c’est un vrai défi de représentation, une invitation au voyage et à l’imaginaire de tous, créateurs comme spectateurs. C’est comme un exercice de cartographie. »
Pour faire entrer ce monde sur le plateau du théâtre, le metteur en scène n’a cédé ni à la tentation de l’illustration réaliste, ni à la recherche d’effets spectaculaires. Il a souhaité un espace qui évoque autant les pages d’un livre, que les voiles d’un baleinier, ou encore la surface agitée d’une mer houleuse. Il a imaginé un dispositif scénique à mi-chemin entre un vieux cinéma des années 50 et un aquarium géant, une machine à songes et à signes naïfs. Des chaises bleu océan, un navire de papier, des voiles au vent, des images d’archives sont autant de leurres qui nous laissent entrevoir la proximité dangereuse du monstre marin. Voilà l’imaginaire du spectateur sollicité, et ce, dès le plus jeune âge.

Cette invitation à s’embarquer pour le « grand ailleurs » fascine autant qu’elle inquiète. Avec cette ode à la mer et aux quêtes infinies, les jeunes, et les moins jeunes, deviennent des aventuriers le temps d’une représentation.