Mike Kenny, parmi les plus importants dramaturges britanniques vivants, écrit pour le théâtre jeune public depuis une vingtaine d’années. Il vit et travaille en Grande-Bretagne, mais son œuvre est jouée partout dans le monde. Sa venue à Chevreuse à l’occasion de la création de Bouh !, l’une de ses pièces, a donc été un événement.
Chevreuse en effervescence
À cette occasion, l’ALC (Accueil Loisirs Culture), partenaire d’Odyssées depuis trois ans, a mis en place des actions culturelles, notamment avec le collège Pierre de Coubertin. Onze classes ont ainsi pu assister au travail de création et échanger avec l’équipe qui était en résidence à Chevreuse. La bibliothèque municipale Jean-Racine s’est également associée à ce vaste projet en consacrant une séance des Graines de critiques à l’auteur. Les enfants et le public ont pu poser de nombreuses questions à Mike Kenny. >>> voir la vidéo
Autre occasion d’échanges : la séance de dédicace avec l’auteur organisée à la librairie Les Racines du vent qui a dû commander de nombreux exemplaires du texte publié dans la collection Heyoka jeunesse (coédition Actes Sud-Papiers – CDN de Sartrouville).
L’adaptation avec des marionnettes de Simon Delattre : une première
Enfin, une rencontre a été organisée après la représentation de Bouh ! au gymnase Fernand-Léger. Inutile de vous dire que l’équipe avait le trac ! Venu exprès pour cette première adaptation avec des marionnettes, Mike Kenny était en effet très curieux de découvrir cette création originale. Séverine Magois, qui connaît bien l’auteur pour retranscrire en français sa langue simple et efficace, faisait la traduction simultanée.
Tout d’abord, il a été évoqué l’origine de cette pièce qui interroge l’acceptation de la différence : Bouh ! est en effet le fruit d’une commande d’une compagnie anglaise dont tous les acteurs souffraient d’une difficulté d’apprentissage. Et que montre la pièce ? Davantage que le jeune homme « anormal » dont il est question, Bouh, un jeune homme atteint d’une forme d’autisme, ce sont les autres enfants, ceux du dehors, qui semblent désarmés face à l’autre.
La pièce tantôt grave, tantôt drôle, s’aventure dans une zone sensible, celle des fantasmes générés par la peur. Suite à la disparition d’une petite fille, on assiste à l’acharnement de la population contre Bouh dont les obsessions vont justement faire enfler la rumeur. Loin d’être « demeuré », celui-ci est pourtant cloîtré chez lui ! Le mensonge, l’intolérance, la pédophile, voilà autant de thèmes que les invités de la rencontre ont abordés, en faisant bien ressortir les différents niveaux de lecture de la pièce. Simon Delattre, l’un des interprètes également metteur en scène, a d’ailleurs expliqué certains de ses parti-pris artistiques, en insistant sur ses mises en abyme.
Les spectateurs, nombreux à être restés à cette rencontre, ont exprimé leurs émotions face à cette histoire poignante non départie de joie, même si le jeu d’espionnage des enfants s’avère dangereux et débouche sur une grosse bêtise. Car Bouh, qui ne se considère pas comme un « débile, mais juste paralysé du cerveau », est complètement décalé et fait souvent des blagues. Beaucoup ont aussi apprécié le dispositif scénographique ingénieux et les nombreuses idées ludiques qui empruntent au langage cinématographique, avec ses cadrages et son art du montage. Des choix qui ne sont pas non plus sans rappeler la puissance poétique de l’art brut.
Sur ce terrain de jeu, les interprètes s’amusent d’ailleurs beaucoup. Et ce soir-là, avec la présence exceptionnelle de l’auteur, encore plus que d’habitude, comme en témoignent les dédicaces.