Pour commencer notre Odyssée, destination le Congo avec My Brazza, du théâtre et de la danse à partir de 14 ans.
C’est aussi ça la force des spectacles : parcourir des milliers de kilomètres à la vitesse du son ! En attendant de plonger dans l’ambiance de Brazzaville, reportage au collège Saint-Exupéry de Vélizy-Villacoublay où se déroule la résidence de création, avant que le spectacle ne soit accueilli dans plus d’une vingtaine d’établissements des Yvelines. Une bien belle aventure humaine et artistique !
Résidence de création dans un collège des Yvelines
Depuis 2007, Odyssées en Yvelines s’invite dans les établissements scolaires avec des créations jouées au sein même de la classe. Ces formes théâtrales inédites ont l’ambition de provoquer, chez les élèves, la découverte d’une œuvre artistique dans une relation différente que celle établie lors d’une représentation dans une salle de spectacle.
Pour cette 9e édition, l’expérience se poursuit avec la résidence de création de My Brazza au collège Saint-Exupéry, partenaire de L’Onde-Théâtre et Centre d’Art – Vélizy-Villacoublay. Le projet, construit en concertation étroite avec les différents partenaires (le théâtre, une équipe artistique et un établissement scolaire), inscrit donc le processus de création (écriture, mise en scène, répétitions et représentations) dans un parcours d’éducation artistique et culturelle. Les adolescents se trouvent ainsi associés à l’élaboration du spectacle, à ses grandes étapes avant sa diffusion.
Présente au moment du lancement du projet, j’ai pu rencontrer des élèves de 4e, qui ont profité de la présentation de Ronan Chéneau, l’auteur, et Florent Mahoukou, l’interprète, pour poser de nombreuses questions : « C’est à combien de kilomètres de Vélizy, le Congo ? De quoi sera-t-il question ? Verra-t-on de la danse traditionnelle dans le spectacle ? Le danseur va-t-il parler ? Comment une salle de la classe peut-elle devenir un lieu de spectacle ? Etc. »
Pour en finir avec les clichés sur l’Afrique
My Brazza n’est pas un spectacle sur l’Afrique. C’est le portrait de Florent Mahoukou qui parle de sa ville, de son pays, de son continent, tels qu’il les voit, mais aussi tels qu’il les rêve. Comme le titre l’indique, le spectacle est donc très personnel. « Il s’agit du cœur bouillant de Brazzaville, une histoire de fou écrite et dansée où tout sera vrai », indique Ronan. « Ce spectacle traite des conditions de vie là-bas, mais aussi de la relation intime que j’entretiens avec ma ville », précise Florent.
Florent Mahoukou, danseur, performeur, interprète et chorégraphe, est effectivement originaire du Congo. Dès l’âge de douze ans, il crée un groupe de danse dans les rues de Brazzaville. Parallèlement à des stages avec de grands noms de la danse contemporaine, il mène une carrière internationale avec sa compagnie, tout en initiant et dirigeant des balades chorégraphiques dans les rue de son pays, ainsi qu’au Niger et au Bénin. Sa rencontre avec Ronan Chéneau date de 2007. À l’époque, l’auteur venait d’écrire un texte sur sa méconnaissance de l’Afrique. Entre-temps, ce dernier s’est rendu sur place pour confronter sa vision fantasmée du continent noir avec la réalité. Ce fut le choc ! Depuis, les liens se sont consolidés par des voyages qui fournissent le matériau de My Brazza.
Un dialogue direct
Ces artistes-là s’adressent directement aux adolescents en venant leur parler dans leur salle de classe du monde dans lequel ils vivent et dans lequel ils grandissent. Impossible, donc, de faire l’impasse sur le contexte politique et social de ce pays d’Afrique ! Florent Mahoukou sera donc traversé par des sujets sérieux, comme les guerres récentes ou le paradoxe de ce peuple vivant dans la misère alors que le Congo est riche en pétrole, en bois, en or, en uranium. Le spectacle vise aussi à mettre en avant les beautés cachées de Brazza située sur les rives du fleuve Congo, un des plus puissants au monde. Bref, une évocation loin des clichés véhiculés par les flashs infos. Le tout en mots et en mouvement dans une forme favorisant la proximité dans la salle de classe.
Ronan Chéneau ne considère pas l’écriture théâtrale en dehors de la représentation. Son travail s’élabore au cours du travail de création, se fonde sur l’improvisation, les apports de chacun. Cette « écriture de plateau » permet l’éclosion d’une écriture directe, sans fioriture. D’où l’intérêt d’associer des élèves à ce processus particulier.
Un travail de collaboration artistique dans un processus d’écriture au plateau
Les élèves sont pressés de découvrir le résultat. Mais les répétitions commencent à peine…. David Bobée, artiste à la renommée internationale, récemment nommé à la tête du Centre Dramatique National de Haute-Normandie, en est le metteur en scène. Dans ses créations, il aime donner à réfléchir le monde depuis ses périphéries et ses identités singulières : « J’ai envie de proposer à ces élèves – spectateurs et citoyens de demain – une ouverture sur la création contemporaine (celle africaine), une ouverture sur les questions Nord-Sud, la différence, la couleur de peau, parce qu’on va aller dans les Yvelines, dans des collèges où les gamins sont eux-mêmes issus de la diversité. Voir un artiste de nationalité étrangère, c’est un acte politique fort qui peut – et c’est ce qu’on vise – faire changer le regard qu’on porte sur l’Afrique, loin des cartes postales, des animaux sauvages, du désert, de la jungle, des tamtam, des boubous… », explique-t-il.
Le trio se connaît bien : complice de Ronan Chéneau (avec My Brazza, ils signent leur neuvième création collective), David Bobée a déjà travaillé et voyagé à Brazzaville avec Florent Mahoukou. Le metteur en scène va bientôt intervenir dans cette résidence de création longue de quatre semaines. Il faut donc être patient ! Tout est encore en chantier.
En attendant de découvrir le résultat, des ateliers organisés en partenariat avec l’Académie de Versailles (avec le soutien de la Direction des Services départementaux de l’Education nationale des Yvelines – DSDEN 78) vont bientôt commencer : certaines classes participeront au travail d’écriture de plateau (en répétition avec les artistes) ; d’autres s’exerceront à l’analyse de la représentation et à la rédaction de comptes-rendus avec une critique. Des graines d’artistes et de journalistes ! Cette mise en appétit devrait permettre, aux élèves et à leurs enseignants, de mieux comprendre et digérer une représentation riche de sens.
Voilà pour ces collégiens de quoi vivre plus intimement le spectacle vivant !
CPE au collège Lamartine, j’ai eu la chance d’assister à une représentation jeudi 30 janvier en compagnie d’une classe de 3ème.
C’était beau, c’était fort, c’était captivant dès la première seconde … La prestation de F.Mahoukou sert de façon remarquable les thématiques abordées. Bravo !!