Le Rêve d’Anna : Tordre le cou à ses peurs

La soirée d’inauguration d’Odyssées en Yvelines qui s’est déroulée au Théâtre de Sartrouville–CDN a été une belle réussite. Le public était au rendez-vous pour découvrir Le Rêve d’Anna, la création de Bérangère Vantusso, collaboratrice artistique associée au projet du Théâtre. Une fable sociale et enfantine qui regarde le monde depuis le rêve. Du théâtre et des marionnettes tout public dès 7 ans.

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Bien qu’ancrée dans le monde d’aujourd’hui, la pièce d’Eddy Pallaro aborde des thèmes universels : le rêve et la réalité, la quête du bonheur, le rapport au pouvoir, les relations familiales. Mais quelle est donc cette histoire ?

Une histoire d’aujourd’hui
Anna vit seule avec son père qui cherche du travail. La nuit, elle rêve d’un cheval blanc avec qui elle parle et qui la réconforte. Son amie Louise, elle, est visitée par un taureau brutal qui lui apparaît en cauchemar. Le Cheval et le Taureau, vieux rivaux de rêves, se connaissent de longue date. Anna ne sait pas toujours distinguer le rêve de la réalité, ce qui lui cause quelques soucis au quotidien, notamment à l’école où les autres ont du mal à la suivre. Son père l’écoute et l’accompagne autant qu’il peut dans ses méandres. Lui a ses propres préoccupations : il passe des entretiens d’embauche. Pour aider son père, Anna va devoir prendre le taureau par les cornes avec l’aide du Cheval.

Tordre le cou à ses peurs
Eddy Pallaro traite ici de problématiques sociales qui devraient parler à plus d’un enfant. Mais pas seulement à eux ! On s’est tous déjà interrogé sur le travail. Peut-il rendre heureux ? Peut-on tout accepter pour travailler ? Le texte soulève aussi la question du pouvoir, celui que tentent d’exercer les recruteurs, Mac and Mac. La pièce évoque plus largement le pouvoir que l’on tente d’avoir sur sa vie, en tentant de maîtriser ses angoisses pour aller de l’avant. Bérangère Vantusso explique : « La question sociale, particulièrement celle du travail et du pouvoir (son corollaire), mérite d’être abordée avec le jeune public. J’ai eu envie d’investir théâtralement le décalage qui existe entre différentes façons d’appréhender le monde, selon que l’on est un adulte ou un enfant. »

Quelle plus belle Odyssée que le rêve !
Et le moyen formidable que trouve Anna pour appréhender la situation, c’est le rêve. Cela ne consiste pas à vivre dans sa bulle. Au contraire ! En prise avec la réalité, ses rêves permettent à la petite fille d’exprimer ses angoisses et d’aider son père à résoudre ses problèmes : « C’est un peu comme si les rôles étaient inversés. Souvent dans les familles monoparentales, l’enfant peut porter la difficulté d’un de ses parents », précise la metteure en scène.
Avec justesse, la pièce traite de ce sujet actuel en apportant plusieurs points de vue : « Le Rêve d’Anna est construit comme une grande broderie à deux faces : celle que l’on regarde,“a belle”, et l’autre, « la moche”, celle que l’on cache, pleine de nœuds et de couleurs mélangées. Eddy Pallaro nous invite à changer de point de vue sur les choses, à les regarder d’ailleurs, de plus haut, de plus bas, depuis le rêve, ou depuis la colère, depuis les yeux d’Anna, de son père, du Cheval ou du Taureau. Ces acrobaties de la pensée éclairent le monde avec le souffle poétique de son écriture théâtrale. »
En effet, tout est double dans cette pièce. Entre le cauchemar éveillé du père et le rêve d’Anna, chaque personnage trouve son contraire ou son équivalent : l’adulte et l’enfant, le Cheval et le Taureau. Ceux-ci évoluent dans des espaces opposés : l’imaginaire et le réel, l’école et l’entreprise. Voilà de beaux défis dramaturgiques que la mise en scène doit relever !

Comment représenter ces dualités ?
Le spectacle nous transporte d’un espace à l’autre et teinte la réalité d’onirisme. Le décor fait penser à un appartement : le salon d’un côté, la chambre de l’autre, sauf que les murs peuvent pivoter. Ingénieux ! Quant aux scènes qui se déroulent en entreprise, elles sont jouées grâce à des accessoires qui nous mettent immédiatement dans l’ambiance. Et puis, il y a l’espace du rêve, celui où tout est possible. Et là, ça tangue !
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Les marionnettes au service des écritures contemporaines
Les acteurs ne sont pas seuls à évoluer dans ce décor. La particularité de la démarche de Bérangère Vantusso, au sein de la compagnie trois-six-trente, est de mettre les marionnettes au service des écritures contemporaines. Et pas n’importe quelles marionnettes ! Chacun de ses projets explore la richesse d’expressivité de l’hyperréalisme. S’inspirant des œuvres de l’artiste Ron Mueck, elle conçoit, avec son équipe, ses marionnettes jusque dans les moindres détails. Après les croquis, la fabrication dure de longs mois avec plusieurs allers-retours entre l’atelier et le plateau où les marionnettes sont ensuite éprouvées. Manipulées à vue, ce sont en effet les acteurs qui leur prêtent mouvements et voix, cherchant les gestes , les déplacements et les intonations les plus justes. Parfois, des adaptations sont nécessaires en atelier car la mise en scène est réglée au millimètre près.

Esthétique et poétique
Grâce à l’interprétation, au travail ciselé du son et de la lumière, ces marionnettes sont troublantes de vérité. D’une rare présence, elles expriment jusqu’aux frémissements de l’âme. Dans cette quête de vérité intérieure, Bérangère Vantusso exploite donc toutes les ressources du réalisme poétique permettant aux acteurs d’exprimer les pulsations intimes des marionnettes.
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Mais ménageons les effets de surprise ! Nous vous laissons découvrir le spectacle et réagir sur le Blog avant d’en dévoiler les secrets de fabrication. Nous reviendrons plus tard sur le traitement et la représentation des personnages, notamment le Cheval et le Taureau. Deux mastodontes compagnons fantastiques de cette fable où Anna regarde le monde depuis le rêve.

C’est le jour J !

CE SOIR, C’EST L’INAUGURATION D’ODYSSÉES EN YVELINES

Le moment tant attendu est enfin arrivé. Le lancement d’Odyssées a lieu ce soir au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines–CDN. Cette soirée d’inauguration convie le public à la découverte du Rêve d’Anna, création de Bérangère Vantusso, l’une des quatre collaborateurs artistiques associés au projet du Théâtre. C’est aussi l’occasion pour toutes les équipes et les partenaires de se rassembler afin de fêter le début de cette formidable aventure de création.
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Les artistes ont achevé les répétitions et les premières de tous les spectacles s’enchaînent à partir de ce soir :
- Le Rêve d’Anna mercredi 15 janvier à 20h30
au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines–CDN
- Joséphine (Les enfants punis) mardi 14 janvier à 20h30
à l’Auditorium de Viroflay
- Moby Dick jeudi 16 janvier à 19h30
à la Scène nationale de Saint-Quentin-en-Yvelines
- Entre chou et loup (concert détonnant) jeudi 16 janvier à 20h30
à la Barbacane de Beynes
- Bouh ! samedi 18 janvier à 20h30
à l’Espace Fernand-Léger de Chevreuse
- My Brazza lundi 20 janvier à 18h
au collège Saint-Exupéry de Vélizy-Villacoublay
en partenariat avec l’Onde Théâtre et centre d’Art de Vélizy-Villacoublay
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Toutes les équipes sont  à pied d’œuvre pour cette dernière ligne droite. Les régisseurs et les techniciens règlent les derniers détails, vérifient le matériel et font « la mise » (mise en place des accessoires et des décors sur le plateau) pour la présentation du Rêve d’Anna. Dans le hall d’accueil, on finit d’installer l’exposition consacrée aux 15 ans de la collection Heyoka jeunesse (coédition Actes Sud-Papiers et CDN de Sartrouville) qui a publié la plupart des textes présentés dans le cadre des Odyssées successives. D’ailleurs, cette soirée d’inauguration offre l’occasion de rencontrer en chair et en os la plupart des artistes programmés !
Cet événement se prépare de longue date, notamment par l’équipe de communication qui a conçu des documents attrayants. Affiches, programmes, dépliants, dossiers pédagogiques, newsletters… autant d’outils pour susciter l’intérêt du public et des professionnels pour la manifestation. On espère que beaucoup se seront amusés à transformer le carton d’invitation en cube, clin d’œil traduisant bien l’esprit ludique de cette 9e édition de la biennale. Peut-être même que certains auront accroché le dépliant, sous forme de guirlande, à leur sapin de Noël ! Il faut dire qu’Odyssées est un beau cadeau de janvier ! Pendant ce temps-là, à la billetterie, on veille à enregistrer les dernières réservations. Pour ceux qui sont intéressés, dépêchez-vous !
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Ce soir, toute l’équipe du Théâtre est mobilisée, du service des Relations publiques au service de la Production en passant par l’Administration et la Comptabilité : on se prépare à recevoir le public et les nombreux invités : journalistes, représentants des institutions ayant soutenu le projet – et elles sont nombreuses !
Conçue en partenariat avec le Conseil général des Yvelines, Odyssées est effectivement porté par le Théâtre de Sartrouville–CDN, mais la biennale associe de nombreux partenaires : le réseau des théâtres de ville et les scènes conventionnées, le Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines–Scène nationale, le réseau des bibliothèques du département, ainsi que les écoles, collèges et lycées des Yvelines.
On s’active en cuisine, on met les petits plats dans les grands. Ce soir, un cocktail est également prévu après le spectacle. L’équipe est rassemblée, l’équipe est élargie car tout ce travail s’effectue en collaboration, en lien permanent avec chaque compagnie qui ne ménage pas sa peine, depuis parfois plus d’un an, pour boucler sa création.
Vous l’aurez compris, Odyssées est un travail de longue haleine. Sylvain Maurice, directeur du Théâtre de Sartrouville et d’Odyssées en Yvelines, Michel Charles-Beitz, directeur adjoint, Dominique Bérody, délégué général jeunesse et décentralisation en Yvelines, qui portent ce projet d’envergure avec passion, sont maintenant impatients de lancer cette 9e édition. Que le spectacle commence !

ENTRE CHOU ET LOUP (concert détonnant)

ENTRE CHOU ET LOUP (concert détonnant) théâtre-musical > tout public dès 6 ans

Pour Odyssées en Yvelines, Noémi Boutin et Sylvaine Hélary proposent un duo très contemporain. Du théâtre musical, où mots et musiques se mêlent allègrement pour les jeunes oreilles.

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Un duo pas très classique
Le duo Myssil n’est pas un couple d’amazones tout droit sorties d’un jeu vidéo ! Ce sont deux jeunes femmes en chair et en os, deux têtes chercheuses à sensibilité hautement artistique. Ces deux musiciennes à la solide formation classique ne sont vraiment pas conventionnelles. Elles cultivent une musique bien à elles, issue des différentes traditions qui ont jalonné leur parcours : musique classique, contemporaine, jazz, improvisée… Noémi Boutin, aussi à l’aise dans le grand répertoire que dans des aventures artistiques inédites, est violoncelliste. Sylvaine Hélary, qui participe à des projets souvent pluridisciplinaires, est flûtiste. Leur goût commun pour les mots et la comédie les incite à écrire ou à commander des œuvres pour voix et instruments, et à s’aventurer de plus en plus loin sur le terrain du théâtre musical.

Sensibilisation à la musique contemporaine
Leur volonté est de faire entendre aux plus jeunes la musique contemporaine dans son sens le plus large, par le biais de l’absurde. Elles montrent que les adultes peuvent aussi s’amuser, elles désacralisent la musique « sérieuse » en bousculant les codes. Raconter des histoires permet aux enfants de stimuler leur imaginaire, de s’approprier personnellement ces « histoires de fou ».
Noémi Boutin et Sylvaine Hélary créent en effet, dans un rapport proche du clownesque, un éventail de saynètes écrites et composées par elles-mêmes ou commandées à plusieurs artistes : Frédéric Aurier, Joëlle Léandre, Sylvain Lemêtre, Albert Marcœur, Ève Risser, François Sarhan. Ces compositeurs, vivants, parlent des joies ou des peines de l’aventure humaine par le biais du surréalisme.
Bribes de contes, performances musicales et dramatiques, bulles poétiques, jeux de mots… Voilà de quoi rendre la musique contemporaine plus accessible tout en maintenant un haut niveau d’exigence car certaines compositions sont assez « pointues ». Déjà, le titre annonce la couleur : Entre chou et loup est inspiré de l’expression « entre chien et loup » qui évoque cette moment à l’approche de la nuit que les enfants redoutent parfois. Malgré tout, ce clin d’œil aux choux (d’où naîtraient les garçons !) laisse supposer qu’il n’y a peu de risque de faire un cauchemar à écouter ce concert.

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Drôle d’univers !
Après la résidence de création à la Barbacane de Beynes (78650), où aura également lieu la première, jeudi 16 janvier, l’équipe avait encore de nombreuses détails à régler. Mais elle était d’ores et déjà en mesure de nous éclairer sur les pistes de mise en scène : « Ces deux grandes filles (sœurs, amies…) qui se retrouvent pour répéter vont tisser, tout au long du spectacle, une relation forte et mouvante, oscillant entre amitié et jalousie, complicité joyeuse et fourberie mesquine, jeu et agacement. Car leur tentative de rencontre va se heurter à l’indiscipline de leurs émotions qui les pousseront à s’échapper dans un univers décalé et onirique », explique Noémi Boutin. Tout ce qui est sur scène sera donc détourné de sa fonction. Y compris les instruments ! Mais, chut, n’en disons pas davantage pour ménager les effets de surprise.
Les photos de répétition donnent quand même une petite idée de ce drôle d’univers qui vous attend et dans lequel les deux interprètes vont évoluer. Ainsi, le lustre deviendra porte-manteaux, leur chevelure un nid douillet où se réfugieront de drôles d’accessoires. La fine équipe [au complet sur la photo, Sylvaine Hélary, Laurence Garcia (mise en scène et costumes) et Sam Mary (création lumière et scénographie), Noémi Boutin] n’attend déjà plus qu’une chose : votre présence à vous, public, afin de vérifier si ses trouvailles font mouche !

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Mais d’ici là, on peut toujours commencer à se familiariser avec leur univers en écoutant deux morceaux, que le duo Myssil a déjà joués des festivals et qui sont au programme du spectacle Entre chou et loup :
- L’Imagination de François Sarhan
- La Danse de la Princesse de Frédéric Aurier

BOUH !

BOUH ! Théâtre-marionnettes > tout public dès 8 ans

Différence, fantasmes générés par la rumeur
> reportage dans une salle de répétition du Théâtre de Sartrouville–CDN

C’est l’effervescence aujourd’hui, car Simon Delattre, le metteur en scène du projet, a souhaité ouvrir une des répétitions à l’équipe du Théâtre de Sartrouville : « Parallèlement à une résidence à Charleville (nous sommes tous diplômés de l’ENSAM – École supérieure nationale des arts de la marionnette), puis à Chevreuse, nous avons travaillé dans la salle de répétition du Théâtre de Sartrouville pendant près de trois semaines. C’est presque le luxe, tant les conditions de travail sont difficiles aujourd’hui pour les équipes artistiques. Pour notre part, nous nous sentons soutenus. Un accompagnement vraiment appréciable ! », explique le jeune créateur.
Cette présentation fournit donc l’occasion aux équipes de découvrir le spectacle, à une étape importante de sa création, et d’échanger sur les difficultés rencontrées et les points qu’il reste à polir. Après le travail sur le texte, la conception graphique, la réalisation des marionnettes, la construction des décors, la confrontation au plateau a révélé des difficultés que l’équipe a dû résoudre.

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De nombreux défis artistiques
Pendant que les deux interprètes, Simon Delattre et Simon Moers, s’échauffent et se concentrent, Tiphaine Monroty, scénographe chargée des costumes et des lumières flanquée de deux stagiaires d’une redoutable efficacité, change un projecteur qui vient de lâcher, met en place un accessoire, repositionne un élément du décor. Aurélie Hubeau, collaboratrice artistique, règle, quant à elle, les derniers préparatifs. C’est en effet le premier « bout à bout » et le dispositif scénique – ingénieux – rend la situation complexe, tant il est riche de propositions, au niveau de la mise en scène comme au niveau de la scénographie et du jeu.

Mike Kenny : un auteur mondialement connu
Pour commencer, on ne « s’attaque » pas à Mike Kenny à la légère ! Salué par The Independant comme étant l’un des dix dramaturges britanniques vivants les plus importants, celui-ci écrit pour le théâtre jeune public depuis une vingtaine d’années et son œuvre, composée d’une centaine de pièces, est jouée partout dans le monde. Il vit et travaille en Grande-Bretagne. À l’occasion de cette création, l’Espace Fernand-Léger de Chevreuse (78460) organisera d’ailleurs des rencontres et une séance de dédicace avec l’auteur samedi 18 janvier.
C’est donc peu de dire que le spectacle Bouh !, dont le texte est publié dans la collection Heyoka jeunesse (coédition Actes Sud-Papiers–CDN de Sartrouville), fait l’objet de toutes les attentions. Que raconte la pièce ? Bouh n’est pas un jeune garçon comme les autres. Atteint d’une forme d’autisme, il vit avec son frère Benny qui lui défend de quitter la maison. Un adolescent et sa petite sœur, intrigués par leur étrange voisin et pour tromper l’ennui des grandes vacances, se lancent le défi d’aller frapper à sa porte. Leur curiosité est d’autant plus grande qu’une rumeur court dans le quartier depuis la disparition de la petite Kelly Spanner. Les deux enfants vont alors jouer à se faire peur devant la maison de Bouh.

Un spectacle ludique sur des enfants livrés à leur destin
Bouh !, c’est le parcours initiatique d’une enfant de onze ans qui prend conscience que les actes, le silence et les mots ont des conséquences irréversibles et que le danger n’est pas forcément là où on l’attend. Elle et son frère mènent une enquête. D’abord, pour s’amuser, puis le jeu devient réalité.
« La langue est simple, la pièce remarquablement construite, les personnages attachants, mais comment aborder un propos si complexe à destination du jeune public ? », commente Simon Delattre. En effet, impossible d’aborder à la légère ces thèmes : la peur de l’Autre, l’ignorance et la cruauté face à la différence. Toutefois, il n’est pas question de « plomber l’ambiance » ! Ce n’est d’ailleurs pas le choix de l’auteur. Son personnage, Bouh, a un grand sens de l’humour reposant souvent sur la dimension absurde de la langue anglaise, que la traductrice, Séverine Magois, s’est évertuée à retranscrire en français.
De plus, les personnages, qui s’amusent à passer du réel à l’imaginaire, et les alternances rapides de situations font de la pièce un véritable terrain de jeu. Les artistes ont imaginé des propositions ludiques : dessiner sa maison à la craie, disparaître par des trappes… que de trouvailles amusantes. Cependant, cette construction dramaturgique aux enchâssements complexes pose de nombreux défis. Sans oublier que les dialogues, nourris d’associations d’idées toniques, imposent un rythme rapide, alors que l’espace scénique est resserré (quatre mètres sur quatre).

Comment parler de la différence ?
Bouh doit-il faire l’objet d’une interprétation particulière ? Déjà, c’est le seul personnage à ne pas être représenté par une marionnette. Là commence sa différence ! Les autres sont représentés par trois types de marionnettes : deux hyperréalistes représentant les enfants à l’échelle humaine, manipulées à vue par les interprètes ; des marionnettes à gaine inversée d’inspiration chinoise (de 60 cm environ) dont la sensibilité organique et la rythmique permettent d’introduire une dimension « cartoon » ; enfin, l’effigie, donc une figurine non articulée, de la taille d’une main, comme celle placée au sommet du casque de Bouh.

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Double enfermement
Puisque le texte traite de la propagation de la rumeur, la mise en scène propose différents points de vue grâce aux variations de taille des personnages selon les situations : l’échelle humaine avec les acteurs qui jouent Bouh et Benny, celle des marionnettes, mais aussi celle des maquettes, notamment de la maison, qui change d’apparence tout au long du spectacle. Symbole de l’enfermement, ces maquettes se transforment aussi en castelet où les marionnettes trouvent naturellement leur place.
Les deux groupes isolés se rencontrant très peu, il a effectivement fallu trouver un moyen pour traduire dans l’espace ce double huis clos (aller-retour entre le dehors et le dedans, alternance entre le parc où jouent les deux enfants et la maison où vit Bouh). De plus, les personnages doivent pouvoir évoluer dans un univers cartographié. Bouh, obsédé par les itinéraires, a un besoin perpétuel de repères.
Sans cesse en mouvement, les interprètes dessinent aussi l’espace avec leur corps. Surtout Bouh qui trouve ainsi le meilleur moyen de maîtriser son monde. Les accessoires tiennent un rôle important. Simon propose d’ailleurs de faire un casting pour trouver la bonne paire de ciseaux ! Accessoire indispensable, pour son personnage, sans lequel il ne peut faire ses interminables découpages en papier, « massacrer le journal » selon ses mots. Presque une arme à conviction aux yeux des enfants apeurés. Ce n’est pas Edward aux mains d’argent, ce pauvre Bouh, mais son cousin !

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À ce stade, le travail de création est quasiment achevé, mais il reste encore à effectuer quelques recherches sur la fin du spectacle. D’ici là, l’équipe va continuer à chercher le ton juste, le geste qui fait sens, à éprouver les marionnettes sur le plateau. Aurélie Hubeau souhaite également retravailler les patines des marionnettes, mais attention, sans la coiffer : « C’est une petite sauvage, cette gamine ! ». Encore un détail qui a toute son importance…
L’équipe d’Odyssées laisse donc les artistes à leurs occupations. En cette veille de fêtes, beaucoup ont déjà la tête ailleurs… Ce n’est pas le cas de Simon, qui réalise tout d’un coup que le 25 décembre va lui faire perdre une journée de travail : « Ah oui, c’est Noël, au fait ! ».

MY BRAZZA : du Congo aux Yvelines

Pour commencer notre Odyssée, destination le Congo avec My Brazza, du théâtre et de la danse à partir de 14 ans.
C’est aussi ça la force des spectacles : parcourir des milliers de kilomètres à la vitesse du son ! En attendant de plonger dans l’ambiance de Brazzaville, reportage au collège Saint-Exupéry de Vélizy-Villacoublay où se déroule la résidence de création, avant que le spectacle ne soit accueilli dans plus d’une vingtaine d’établissements des Yvelines. Une bien belle aventure humaine et artistique !

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Résidence de création dans un collège des Yvelines
Depuis 2007, Odyssées en Yvelines s’invite dans les établissements scolaires avec des créations jouées au sein même de la classe. Ces formes théâtrales inédites ont l’ambition de provoquer, chez les élèves, la découverte d’une œuvre artistique dans une relation différente que celle établie lors d’une représentation dans une salle de spectacle.
Pour cette 9e édition, l’expérience se poursuit avec la résidence de création de My Brazza au collège Saint-Exupéry, partenaire de L’Onde-Théâtre et Centre d’Art – Vélizy-Villacoublay. Le projet, construit en concertation étroite avec les différents partenaires (le théâtre, une équipe artistique et un établissement scolaire), inscrit donc le processus de création (écriture, mise en scène, répétitions et représentations) dans un parcours d’éducation artistique et culturelle. Les adolescents se trouvent ainsi associés à l’élaboration du spectacle, à ses grandes étapes avant sa diffusion.
Présente au moment du lancement du projet, j’ai pu rencontrer des élèves de 4e, qui ont profité de la présentation de Ronan Chéneau, l’auteur, et Florent Mahoukou, l’interprète, pour poser de nombreuses questions : « C’est à combien de kilomètres de Vélizy, le Congo ? De quoi sera-t-il question ? Verra-t-on de la danse traditionnelle dans le spectacle ? Le danseur va-t-il parler ? Comment une salle de la classe peut-elle devenir un lieu de spectacle ? Etc. »

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Pour en finir avec les clichés sur l’Afrique
My Brazza n’est pas un spectacle sur l’Afrique. C’est le portrait de Florent Mahoukou qui parle de sa ville, de son pays, de son continent, tels qu’il les voit, mais aussi tels qu’il les rêve. Comme le titre l’indique, le spectacle est donc très personnel. « Il s’agit du cœur bouillant de Brazzaville, une histoire de fou écrite et dansée où tout sera vrai », indique Ronan. « Ce spectacle traite des conditions de vie là-bas, mais aussi de la relation intime que j’entretiens avec ma ville », précise Florent.
Florent Mahoukou, danseur, performeur, interprète et chorégraphe, est effectivement originaire du Congo. Dès l’âge de douze ans, il crée un groupe de danse dans les rues de Brazzaville. Parallèlement à des stages avec de grands noms de la danse contemporaine, il mène une carrière internationale avec sa compagnie, tout en initiant et dirigeant des balades chorégraphiques dans les rue de son pays, ainsi qu’au Niger et au Bénin. Sa rencontre avec Ronan Chéneau date de 2007. À l’époque, l’auteur venait d’écrire un texte sur sa méconnaissance de l’Afrique. Entre-temps, ce dernier s’est rendu sur place pour confronter sa vision fantasmée du continent noir avec la réalité. Ce fut le choc ! Depuis, les liens se sont consolidés par des voyages qui fournissent le matériau de My Brazza.

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Un dialogue direct
Ces artistes-là s’adressent directement aux adolescents en venant leur parler dans leur salle de classe du monde dans lequel ils vivent et dans lequel ils grandissent. Impossible, donc, de faire l’impasse sur le contexte politique et social de ce pays d’Afrique ! Florent Mahoukou sera donc traversé par des sujets sérieux, comme les guerres récentes ou le paradoxe de ce peuple vivant dans la misère alors que le Congo est riche en pétrole, en bois, en or, en uranium. Le spectacle vise aussi à mettre en avant les beautés cachées de Brazza située sur les rives du fleuve Congo, un des plus puissants au monde. Bref, une évocation loin des clichés véhiculés par les flashs infos. Le tout en mots et en mouvement dans une forme favorisant la proximité dans la salle de classe.
Ronan Chéneau ne considère pas l’écriture théâtrale en dehors de la représentation. Son travail s’élabore au cours du travail de création, se fonde sur l’improvisation, les apports de chacun. Cette « écriture de plateau » permet l’éclosion d’une écriture directe, sans fioriture. D’où l’intérêt d’associer des élèves à ce processus particulier.

Un travail de collaboration artistique dans un processus d’écriture au plateau
Les élèves sont pressés de découvrir le résultat. Mais les répétitions commencent à peine…. David Bobée, artiste à la renommée internationale, récemment nommé à la tête du Centre Dramatique National de Haute-Normandie, en est le metteur en scène. Dans ses créations, il aime donner à réfléchir le monde depuis ses périphéries et ses identités singulières : « J’ai envie de proposer à ces élèves – spectateurs et citoyens de demain – une ouverture sur la création contemporaine (celle africaine), une ouverture sur les questions Nord-Sud, la différence, la couleur de peau, parce qu’on va aller dans les Yvelines, dans des collèges où les gamins sont eux-mêmes issus de la diversité. Voir un artiste de nationalité étrangère, c’est un acte politique fort qui peut – et c’est ce qu’on vise – faire changer le regard qu’on porte sur l’Afrique, loin des cartes postales, des animaux sauvages, du désert, de la jungle, des tamtam, des boubous… », explique-t-il.
Le trio se connaît bien : complice de Ronan Chéneau (avec My Brazza, ils signent leur neuvième création collective), David Bobée a déjà travaillé et voyagé à Brazzaville avec Florent Mahoukou. Le metteur en scène va bientôt intervenir dans cette résidence de création longue de quatre semaines. Il faut donc être patient ! Tout est encore en chantier.
En attendant de découvrir le résultat, des ateliers organisés en partenariat avec l’Académie de Versailles (avec le soutien de la Direction des Services départementaux de l’Education nationale des Yvelines – DSDEN 78) vont bientôt commencer : certaines classes participeront au travail d’écriture de plateau (en répétition avec les artistes) ; d’autres s’exerceront à l’analyse de la représentation et à la rédaction de comptes-rendus avec une critique. Des graines d’artistes et de journalistes ! Cette mise en appétit devrait permettre, aux élèves et à leurs enseignants, de mieux comprendre et digérer une représentation riche de sens.
Voilà pour ces collégiens de quoi vivre plus intimement le spectacle vivant !

Le théâtre jeune public est un art majeur

INTERVIEW DE SYLVAIN MAURICE
Directeur du Théâtre de Sartrouville–CDN et d’Odyssées en Yvelines

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La 9e édition d’Odyssées en Yvelines commence dans un mois. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi c’est un événement si important pour le Théâtre de Sartrouville et des Yvelines ?
Odyssées en Yvelines fonctionne comme un festival : 6 équipes répètent pour jouer sur la même période 6 créations originales en direction de l’enfance et de la jeunesse. Ces créations sont jouées plus de deux cents fois en Yvelines avant de partir en tournée nationale. Par sa dimension, Odyssées est constitutive de l’identité du Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, à tel point que je n’aurai pas postulé à la direction de cet établissement s’il n’y avait pas eu Odyssées. Convaincu de l’intérêt de parler, jouer, inventer pour les enfants, je m’y consacre entièrement. Le théâtre pour l’enfance et la jeunesse est un espace d’invention et de créativité, à nul autre pareil. C’est un art majeur.

Le Théâtre de Sartrouville et des Yvelines a-t-il une mission spécifique vers l’enfance et la jeunesse ?
Oui. Nous sommes la seule manifestation « enfance et jeunesse » qui présente uniquement des créations : ces spectacles sont tous crées et répétés sur notre territoire, dans les Yvelines. De plus, Odyssées – grâce au soutien sans faille du Conseil général des Yvelines – contribue à l’aménagement culturel du département, à travers un travail de fond mené en collaboration avec les très nombreux partenaires du territoire. Ce lien très fort entre un établissement culturel de premier plan et une collectivité territoriale donne sens, cohérence et visibilité à notre action.

Pourquoi Odyssées a-t-elle eu un rôle pionnier ?
A ses débuts, Odyssées a eu un rôle pionnier en proposant à des artistes qui ne faisaient pas de « jeune public » de créer pour la première fois pour les enfants. Aujourd’hui, je propose une nouvelle Odyssées qui implique davantage les artistes et les compagnies. Nous ne sommes plus producteur unique : nous inventons Odyssées ensemble avec les compagnies. Cette ouverture va permettre à la biennale de grandir, de se développer.

Odyssées ne programme que des créations ?
Tout à fait ! Cette édition produit six créations originales dans le cadre de résidences de création territoriale réparties en Yvelines, et les diffuse dans tout le département pour plus de deux cents représentations. Odyssées propose de vraies prises de risques auxquelles elle associe des partenaires pour les partager avec un large public.

Comment toucher ces publics ?
Par un travail de sensibilisation, des rencontres avec les artistes, des documents pédagogiques, des actions culturelles, des résidences de création (notamment dans les établissements scolaires). Nous allons au-devant des spectateurs avec des petites formes qui peuvent s’adapter facilement à tous types de lieux. Les formes itinérantes permettent de jouer en proximité. On propose aussi des grandes formes dans des théâtres traditionnels. Cette distinction « petite » et « grande » forme n’est en aucun cas un jugement de valeur. Nous avons un devoir d’exigence pour que la magie opère jusque dans une salle de classe.

Y a-t-il un fil rouge dans la programmation ?
Odyssées n’a pas d’axe thématique, mais propose à partir du théâtre, une diversité d’approches (théâtre de texte, théâtre de marionnettes, théâtre dansé, théâtre musical, théâtre et vidéo) et une pluralité des écritures (un classique avec Herman Melville et des auteurs contemporains tels Fabrice Melquiot, Mike Kenny, Anna Nozière, Eddy Pallaro, Ronan Chéneau). Nous avons plutôt privilégié la diversité des esthétiques : par exemple, il y a deux spectacles de marionnettes et, pourtant, rien de commun entre celles, « hyperréalistes », de Bérangère Vantusso et celles de Simon Delattre. La programmation concilie également l’épique (Moby Dick), l’intime (Joséphine, Les Enfants punis), le social (My Brazza, Le Rêve d’Anna et Bouh !). On trouve aussi bien le registre ludique (Entre chou et loup, concert détonnant), axé sur le plaisir de jouer avec les mots et les sons, que le registre grave (Bouh !) avec des questions existentielles ou sur le « vivre ensemble ».
Pas de fil rouge, donc, mais une palette de couleurs. Nous proposons une « mosaïque sensible ».

Carnet de voyage

Un formidable moyen d’explorer un territoire artistique et culturel

Le blog d’Odyssées en Yvelines va prendre la forme d’un carnet de voyage, merveilleux moyen d’ouvrir une fenêtre sur le monde. Et quel plus beau monde que celui du théâtre, avec ses univers riches de leurs différences ?
Donner à voir, transmettre aux jeunes le goût, de la découverte, témoigner…, voici l’ambition de ce blog qui va livrer tout au long de la biennale des reportages multimédias, des entretiens, des portraits sur le vif.
Je vais alors consigner dans mes carnets les petits et grands moments vécus dans les lieux où sont programmés les spectacles (salles de spectacle, établissements scolaires, bibliothèques, maisons de quartier…). Nous nous y croiserons, qui sait ?
En tout cas, je compte sur vous pour les commentaires car un blog, c’est du live !


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La baroudeuse, c’est moi !
Passionnée de spectacle vivant, je nourris mon insatiable curiosité au contact des artistes et des publics. J’aime partager les expériences et celles-ci s’annoncent fortes en émotion, autant humaines qu’artistiques.
Je vais donc me déplacer sur le terrain, me faufiler pendant les répétitions, m’incruster dans les salles de classe, m’approcher des coulisses, bref enquêter au plus près de la création pour en dévoiler les processus et mesurer la température auprès des publics. Je vais aussi sillonner les Yvelines pendant les circuits professionnels qui permettent à des programmateurs de découvrir toutes les créations en deux jours.
Voilà donc notre programme : des centaines de kilomètres à parcourir, une vingtaine d’étapes et partout, des rencontres, des découvertes à faire.

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Vous me suivez ? Allez hop, c’est parti !
Sarah Meneghello

C’est parti !

15 JANVIER > 30 MARS 2014
Pas besoin d’aller à l’autre bout du monde pour voyager ! Là, tout près d’ici, dans les Yvelines va bientôt se dérouler un temps fort qui mobilise toute l’équipe du Théâtre de Sartrouville, les équipes artistiques et les partenaires culturels du territoire. Tous travaillent d’arrache-pied pour qu’Odyssées en Yvelines voie le jour. Cette biennale de création débute le 15 janvier prochain, mais les répétitions des spectacles ont déjà commencé.

Une biennale de création tout public
Cette 9e édition produit 6 spectacles jeune et tout public (théâtre, marionnette, danse, musique), créés dans 6 lieux du 78 et diffusés dans tout le département (plus de 250 représentations), avant une tournée nationale. Au programme des textes d’auteurs, des compositions musicales et des écritures scéniques :

LE RÊVE D’ANNA théâtre et marionnettes, dès 7 ans
d’Eddy Pallaro, mise en scène Bérangère Vantusso
MOBY DICK 
théâtre et vidéo, dès 8 ans
d’après Herrman Melville, adaptation Fabrice Melquiot, mise en scène Matthieu Cruciani
BOUH ! théâtre et marionnettes, dès 8 ans
de Mike Kenny, traduction Séverine Magois, mise en scène Simon Delattre
MY BRAZZA théâtre et danse, dès 14 ans
de Ronan Chéneau, mise en scène David Bobée
ENTRE CHOU ET LOUP (Concert détonnant) théâtre musical, dès 6 ans
de Noémi Boutin et Sylvaine Hélary
JOSÉPHINE (les enfants punis) théâtre, dès 6 ans
d’Anna Nozière

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Conçue en partenariat avec le Conseil général des Yvelines, la biennale est portée par le Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – Centre dramatique national. Elle associe de nombreux partenaires : le réseau des théâtres de ville et les scènes conventionnées, le Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines – Scène nationale, le réseau des bibliothèques du département, ainsi que les écoles, collèges et lycées des Yvelines.
Que de monde ! Les moyens sont importants pour irriguer l’ensemble du territoire départemental et emmener le théâtre partout, même là où il ne va pas habituellement… Résidences de création, représentations, parcours d’éducation artistique, actions culturelles…, le projet rassemble les générations car le partage du sens et de l’émotion esthétique n’a pas d’âge.